Historique

Le cinématographe existait depuis quelques années déjà, et il avait fait les beaux jours des attractions de foires, quand on décida de consacrer des salles à la projection des films. A la veille de son ouverture, le tout Epernay était impatient de découvrir ce cinéma à la salle unique : Le Palace, situé au bout du Boulevard Motte (du nom d’une ancienne famille éponyme propriétaire de biens locaux), près de la gare ferroviaire face à des jardins publics, qui ont laissé la place, aujourd’hui, à des parkings.

Quelques jours auparavant, dans son édition du 27 Janvier 1920, le quotidien Le Réveil de la Marne décrivait Le Palace comme « un des plus beaux cinémas de France avec, sans doute, l’organisation la plus moderne de l’heure présente ». Les innovations étaient dans les moindres détails de cet établissement. Les allées lumineuses, la suppression du couloir et de l’escalier et les dix portes de plain-pied assuraient une évacuation de la salle en moins d’une minute (un exploit à cette époque). La modernité résidait également dans l’installation de la cabine l’opérateur en dehors de la salle et à l’opposé des sorties, assurant la sécurité des spectateurs en cas de problèmes techniques. Les matériaux employés à la construction avaient été pensés pour réduire au strict minimum les risques de la propagation du feu.

Tout avait été pensé pour faire du Palace un établissement moderne au service du confort du spectateur, et le pari semblait avoir été réussi. La fonctionnalité de la salle avait également été pensée pour accueillir des spectacles vivants et un orchestre. La presse a donc eu le privilège de découvrir en avant-première une vaste salle à la décoration sobre et originale dans laquelle le premier directeur du Palace souhaitait privilégier les films français.

Le samedi 31 Janvier au soir, 1500 personnes sont venues profiter de la soirée d’inauguration avec un programme spécial et inédit. Ainsi chacun a pu découvrir la première partie du dernier film mettant en scène l’actrice célèbre du moment Suzanne Grandais. La seconde partie de ce film était programmé pour le vendredi suivant. Le programme de fidélisation du spectateur venait, lui aussi, d’être lancé. Ont été également projetés 25 minutes d’une aventure de Charlot, Charlot s’évade par le célèbre Charlie Chaplin. Enfin, un barde breton et des gymnastes aériens ont diverti les sparnaciens entre les films.

A l’origine du projet, le Palace devait être accompagné d’un bar et d’un restaurant. Ce soir-là seul le bar ouvrit, dirigé par un pâtissier-traiteur. Le restaurant ne vit jamais le jour.

Les journaux de la semaine suivante publiaient des articles faisant état d’un « écran un peu petit » mais aux « vues d’une netteté parfaite ». Le système d’éclairage fit également sensation.

Cette soirée, légère et pétillante comme une bulle des fameux champagnes de la région, fut une entière réussite pour la vie culturelle d’Epernay qui se remettait doucement de douleurs matérielles et humaines de la Première guerre mondiale, et assura un lancement en fanfare pour le nouvel établissement.

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